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La question est dans l’air du temps depuis un petit moment déjà. Devant la recrudescence des mouvements de manipulation des cours des différentes crypto monnaies, beaucoup de voix commencent à s’élever demandant une régulation des échanges en crypto monnaies. Le très sérieux Wall Street Journal s’est ainsi très sérieusement intéressé aux différents schémas de pump and dump permettant de manipuler les cours du Bitcoin et des autres crypto monnaies.
Nous vous avions d’ailleurs parlé de cette problématique dans notre article détaillant comment la manipulation du marché des crypto monnaies fonctionne. Le problème a pris une telle ampleur que même les marchés d’échanges présentant les plus gros volumes, tels que Binance, ne sont plus épargnés par ce problème.
Au travers d’applications de chats telles que Telegram ou Discord, des utilisateurs anonymes organisent des communautés d’investisseurs visant à créer des groupes dédiés aux mouvements de pump and dump afin de coordonner des actions d’achats de tokens à une date et une heure précise. En procédant ainsi, ils créent de toute pièce une impression de rallye sur un token. Les investisseurs les moins aguerris vont alors rentrer dans ce mouvement de rallye et acheter des tokens, croyant qu’ils peuvent profiter de cette hausse des prix pour faire une bonne affaire.
Une fois que le cours de la crypto monnaie ciblée atteint un seuil prédéterminé, les membres du groupe de pump and dump vont vendre leurs tokens. Ils réalisent ainsi un profit immédiat causant par la même la chute du token vers son prix initial. Les investisseurs les moins aguerris qui avaient acheté massivement des tokens au cours du rallye vont se retrouver coincer avec une perte potentielle de leur argent investi.
Comme le Wall Street Journal l’a rappelé, ces mouvements se produisent de plus en plus fréquemment sur les marchés d’échanges en crypto monnaies et des centaines de millions sont ainsi perdus via ces schémas de pump and dump. Il est donc légitime de se demander si les régulateurs peuvent agir contre ce problème.
La fraude financière est un crime selon la loi de la plupart des pays développés et ce même si l’activité se produit en dehors des marchés d’échanges réglementés traditionnels via des systèmes d’échanges alternatifs. Les fraudeurs agissant par ce biais se croient tranquilles puisque les crypto monnaies ne sont pas considérées comme des titres. Ils pensent donc que le régulateur des marchés de leur pays ne pourra pas les sanctionner le cas échéant. La grande surprise pour eux sera d’apprendre qu’ils ont tort sur toute la ligne !
En prenant l’exemple Américain, on rappellera que la fraude financière tombe directement dans le champ d’intervention de la SEC (Securities and Exchange Commission), le régulateur des marchés financiers aux Etats-Unis, et des autres régulateurs Américains. Considérons le fonctionnement des schémas pyramidaux. Les vendeurs placés au sommet de la pyramide vont vendre leurs "produits" aux personnes du niveau inférieur afin d’obtenir des commissions au passage. Pour que le système fonctionne, il faudra que les derniers membres arrivés embauchent toujours plus de nouveaux membres dans le système afin de toucher à leur tour des commissions sur les ventes. Ce type de système connu de longue date est illégal si l’argent présent en son sein ne peut générer assez de valeur en retour pour l’ensemble des participants. Ce type de fraude correspond parfaitement à la définition des différents schémas de pump and dump qui sont en vigueur sur le marché des crypto monnaies.
La véritable question qui se pose aujourd’hui est donc celle-ci : mais que font les régulateurs ? Comment cela est-il possible que des crimes puissent être commis en toute impunité sans que les régulateurs ne réalisent les investigations qui s’imposent pour faire la lumière et trouver les responsables ? En reprenant le cas Américain, et que l’on observe les moyens déployés par le FBI pour trouver certains criminels de la drogue notamment, on se dit que la SEC doit être capable de trouver les criminels réalisant ces mouvements de manipulation du Bitcoin et des crypto monnaies.
Le premier pas à réaliser pour un régulateur comme la SEC est de collecter toutes les données des systèmes de chat comme Telegram dans le but d’identifier les participants de ces groupes de pump and dump. Malheureusement, Telegram utilise un système de cryptage très sophistiqué rendant ultra compliqué le traçage de ses membres via leur adresse IP. Il y a cependant une autre solution pour trouver les participants à ces groupes.
Les différents sites webs agissant en tant que places d’échanges pour les crypto monnaies peuvent jouer le rôle de point d’entrée pour trouver les individuels participant aux schémas de pump and dump. Néanmoins, pour pouvoir accéder à ce point d’entrée, la SEC ou n’importe quel autre régulateur a besoin de la coopération des opérateurs en charge des places d’échanges.
Imaginons un instant le scénario suivant : Changpeng Zhao, le fondateur et CEO de Binance qui est accessoirement un membre du top 10 des milliardaires en cryptos, fournissant à la SEC, ou n’importe quel autre régulateur, les adresses reliées aux comptes ayant réalisé des échanges juste avant la phase de pump. En toute logique, les organisateurs du mouvement de pump and dump se trouvent parmi cette liste de comptes. Dans la mesure où la place d’échanges possède l’identité des personnes associées à ces comptes ou tout du moins leur adresse IP, il devient possible de relier le crime au criminel.
Cependant, la réalité est tout autre : Binance n’est pas régulé et ne fournira donc pas cette liste à un quelconque régulateur. En effet, Binance était situé à Hong Kong jusqu’alors et vient d’annoncer sa relocalisation à Malte. Binance n’a donc aucune obligation légale à aider des gouvernements étrangers ou même ses utilisateurs. En fait, les schémas de pump and dump jouent même en faveur de ces places d’échanges puisqu’ils vont augmenter la liquidité et l’activité des utilisateurs. Cela va donc constituer des revenus additionnels pour la plateforme d’échanges. Quel serait leur intérêt de prévenir ce phénomène ?
A moins que les régulateurs de chaque pays décident de prendre ce problème de protection des investisseurs au sérieux, il n’y aura pas de pression de la part des places d’échanges pour être régulées et être supervisées par les états. En l’état actuel, rien ne changera.
Dans un monde des crypto monnaies régulé, les systèmes d’échanges alternatifs seraient alors placés sous l’égide des régulateurs nationaux. Ces derniers auraient alors un droit de supervision sur les activités des places de marchés. En reprenant notre exemple précédent, la SEC aurait alors accès, à tout moment, à l’ensemble des données concernant les comptes des investisseurs sur les places d’échanges en crypto monnaies.
En procédant de la sorte, les courtiers et les opérateurs de change seraient incités à faire tout ce qu’ils peuvent pour éviter les schémas de pump and dump. Tout simplement car leur licence leur serait retirée en cas de fraude avérée découverte par le régulateur sur leur plateforme de trading.
Actuellement, ces différentes plateformes de trading en crypto monnaies ne se soucient guère de ces pratiques frauduleuses. Leur principale priorité étant de faire grossir leur base d’utilisateurs et de générer toujours plus de revenus. En outre, l’identité de leurs utilisateurs leur apporte moins que les opérations qu’ils vont réaliser sur la plateforme.
La situation ne peut donc rester éternellement en l’état. La question n’est donc pas de savoir si les places d’échanges doivent être régulées mais plutôt quand elles le seront. Dans ce contexte, le régulateur des marchés financiers Américains a annoncé début Mars 2018 que les places de trading facilitant la négociation de titres (y compris la négociation de tokens ou de coins) doivent être enregistrées auprès de leurs services ou obtenir une exemption d’inscription.
Ce n’est ainsi pas un hasard si, à la suite de cette annonce, des places d’échanges comme Coinbase et Polliniex ont décidé de demander des licences ATS (Alternative Trading System) à la SEC at à la FINRA (Financial Industry Regulator Authority). Ces sociétés ayant compris l’importance d’être en règle, en obtenant une licence de système de trading alternatif, pour éviter une éventuelle fermeture de leur établissement à terme.
Les récentes décisions prises par le régulateur Américain depuis le début de l’année 2018 montrent clairement que la mise en place d’une régulation des échanges en crypto monnaies est en marche. D’autres états emboiteront bientôt le pas aux Américains à n’en pas douter.
Les entreprises désireuses d’obtenir une licence devront ensuite répondre à des règles définies par les régulateurs. On peut ainsi imaginer la SEC exiger de connaître tous les échanges opérés via leurs plateformes que les utilisateurs soient Américains ou étrangers. Les possibilités nouvelles de collectes de données permettront aux régulateurs de mieux contrôler les investisseurs tentant de mettre en place des schémas de pump and dump de manière collective. Une fois l’identité de ces fraudeurs connue, il sera alors plus aisé de les attaquer en justice et de les sanctionner. En outre, les sommes dérobées aux investisseurs piégés pourront être en partie restituées.
Tout ceci correspond au rôle qu’un régulateur doit jouer et tôt ou tard, les crypto monnaies devront en passer par là pour rendre plus sûr les investissements réalisés par les particuliers.